Lutte contre la polio
Au Bénin, les agents vaccinateurs contre la polio font face à de la résistance en période de Covid-19
L’expansion de l’infodémie et la propagation des fausses informations et autres rumeurs liées à la vaccination contre la Covid-19 perturbent sérieusement les campagnes de vaccination contre la poliomyélite et entraînent une réticence et une résistance remarquables des populations dans plusieurs localités du Bénin.
La poliomyélite est une maladie contagieuse, invalidante, qui se transmet par l'eau, les aliments contaminés, ou en cas de contact avec une personne infectée.
Pour le Représentant résident par intérim de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au Bénin, il s’agit d’une maladie très dangereuse car, le plus souvent elle ne présente aucun symptôme visible chez les personnes contaminées et contagieuses et peut entraîner une paralysie flasque chez les enfants de 0 à 5 ans. Dr Mamoudou Harouna Djingarey rappelle que c’est une maladie qu’on peut prévenir par le vaccin contre la poliomyélite.
Entre le 2ème semestre 2019 et le 1er trimestre 2021, 22 Poliovirus Circulants Dérivés d'une souche Vaccinale de type 2 (PVDVc2) ont été notifiés au Bénin dans plusieurs localités y compris à Cotonou, la capitale économique.
A la suite de cette découverte de foyers d’épidémies de PVDVc2, le ministère de la Santé, avec le soutien des partenaires techniques et financiers, a lancé des campagnes de vaccination porte à porte, sur toute l’étendue du territoire béninois, pour circonscrire le mal.
La résistance liée aux fausses informations
« Ne venez pas chez moi, mon enfant ne prendra pas ce vaccin qui tuerait les gens ! » déclare avec détermination, en langue nationale, une mère à la vue des agents vaccinateurs.
Ces derniers gardent leur calme et répondent à la mère avec pédagogie et assurance.
« Non maman, il s’agit d’une campagne de vaccination contre la polio pour protéger les enfants afin de leur éviter des situations d’handicap plus tard », a répondu un agent vaccinateur.
« Souhaiteriez-vous voir votre enfant en situation d’handicapé à cause de votre refus de le faire vacciner ? », a lancé un autre agent vaccinateur.
La courtoisie dans la réponse de l’agent vaccinateur a créé le dialogue. Il s’en suit plus de 30 minutes de discussion, qui a permis de démonter les fausses informations et autres rumeurs entraînant la confusion faite entre le vaccin de la Covid-19 et celui de la poliomyélite. A l’issue de cet échange, la mère a donné son accord pour faire vacciner son enfant.
Ce genre de scène est courant et les agents vaccinateurs consacrent beaucoup de temps sur le terrain à la sensibilisation des ménages qui refusent de faire vacciner leurs enfants contre la poliomyélite.
« Depuis que j’interviens en tant qu’agent vaccinateur, c’est la première fois que je constate autant de résistance et de réticence chez les parents. Il y a une confusion entre le vaccin de la poliomyélite et celui de la Covid-19. Même les parents qui acceptaient de faire vacciner leurs enfants, refusent désormais qu’on le fasse et croient que c’est le vaccin de la Covid 19 que l’on veut administrer à leurs enfants », déplore un agent vaccinateur, l’air fatigué mais pas découragé sous un soleil ardent.
Pour rassurer les familles, Dre Josiane Aze, Cheffe du Service départemental de la santé publique de la Direction départementale de la santé du littoral, invite les parents à se rendre au centre de santé en cas de survenue d’effets secondaires liés au vaccin contre la poliomyélite où ils seront gratuitement pris en charge. En effet, a-t-elle poursuivi, « le gouvernement à travers le ministère de la Santé, a pris toutes les dispositions nécessaires pour accompagner ces personnes en cas de manifestation post-vaccinale indésirable ».
Ainsi, « chaque enfant vacciné qui présente des maux de tête, de la fièvre ou tout autre signe lié à la vaccination de la poliomyélite est pris en charge gratuitement dans nos centres de santé publics. », a précisé Dre Josiane Aze, aux parents.
Les chefs d’agence des Nations Unies s’impliquent activement dans le ratissage
Dans le but d’atteindre les objectifs de vaccination et de soutenir les équipes vaccinales au cours de la phase de ratissage, une délégation mixte s’est rendue sur le terrain, sous le leadership du Coordonnateur résident du système des Nations Unies au Bénin, Salvator Niyonzima.
Outre le Coordonnateur résident, la délégation était composée de la Représentante de l’UNICEF, Djanabou Mahonde, du Représentant par intérim de l’OMS, Dr Mamoudou Harouna Djingarey et de cadres techniques du ministère de la Santé. Ils ont sillonné les ménages des quartiers Fifadji et Zogbo, leurs centres de vaccination, le marché St Michel de Cotonou en compagnie des agents vaccinateurs.
Lors de cette visite sur le terrain, la délégation a constaté par elle-même, le doute, la résistance et la réticence de la population face au vaccin contre la poliomyélite. Elle a pu apprécier la charge de travail incombant aux vaccinateurs porte après porte.
« Notre déplacement a pour but, d’abord, d’encourager les agents vaccinateurs qui travaillent sous la pluie, le soleil et qui font face à divers autres défis sur le terrain. La lutte contre la Covid-19 ne doit pas nous empêcher de continuer les autres activités de vaccination pour la protection des enfants du Bénin. C’est l’avenir et la relève du Bénin qui sont en jeu », a déclaré le Coordonnateur résident, Salvator Niyonzima.
Dans les ménages où les parents se sont montrés favorables à la vaccination, les Chefs d’agence et le Coordonnateur résident ont eux-mêmes vacciné les enfants avec beaucoup de satisfaction et d’enthousiasme.
« C’est important de voir chaque enfant recevoir son vaccin. Je demande à chaque parent qui accepte de faire vacciner son enfant, d’être vecteur de sensibilisation auprès de ses pairs pour que personne ne soit laissé de côté », a exhorté la Représentante de l’UNICEF, Djanabou Mahonde, après avoir vacciné un enfant.
Pour le Représentant par intérim de l’OMS, Dr Mamoudou Harouna Djingarey , la sensibilisation doit se faire à tous les niveaux et chaque parent doit jouer sa partition, même après la campagne de vaccination, afin de vacciner les cohortes naissantes et ne laisser aucun enfant de côté.
« Après les campagnes de vaccination, j’exhorte chaque parent à amener son enfant au centre de santé pour le faire vacciner afin que tous les enfants soient épargnés de la poliomyélite », a déclaré Dr Mamoudou Harouna Djingarey après avoir vacciné à son tour, un enfant.
Comme recommandé par les procédures standards opératoires pour répondre à une épidémie de poliomyélite, deux passages de vaccination contre la polio ont été planifiés dans 7 départements impliquant 39 communes identifiées à risque en raison des 10 derniers PVDVc2 notifiés dans les communes de Cotonou, Porto-Novo, Dangbo et Tori Bossito.
Ces passages ciblaient chacun, 1.803.273 enfants de 0 à 59 mois avec le nOPV2. Le premier passage s’est tenu du 7 au 9 mai 2021, et a permis, selon les données administratives, de vacciner 1.592.842 enfants de 0 à 59 mois parmi les cibles (soit 88,3%) et le deuxième, réalisé du 28 au 30 mai 2021 a atteint 1.944.826 (107,45%) enfants de la même tranche d’âge.
Afin d’apprécier la qualité des campagnes, des évaluations indépendantes sont réalisées par l’OMS après chaque passage. Elles ont indiqué des couvertures vaccinales de 87% et 89% respectivement pour le 1er et le 2nd passage. La proportion d’enfants manqués étant importante (l’objectif de couverture vaccinal étant 95%), un ratissage a été organisé du 22 au 24 septembre 2021 dans des aires sanitaires de 33 communes jugées mal vaccinées parmi les 39 précédemment vaccinés, afin de garantir l’immunité escomptée pour interrompre la transmission du poliovirus. Le ratissage ciblait 1.019.458 enfants de 0 à 59 mois.
Les Nations Unies au Bénin au cœur du dispositif de la lutte contre la polio
L'OMS et l'UNICEF sont les deux principaux partenaires techniques de l'initiative d'éradication de la poliomyélite au Bénin. Ces deux agences des Nations Unies au Bénin apportent un appui technique et financier à la lutte contre la poliomyélite. L’OMS supporte tous les aspects techniques liés aux normes et standards et l’UNICEF finance toute la logistique ainsi que les activités de communication et de mobilisation sociale relatives à la lutte contre la poliomyélite.
Pour le Représentant par intérim de l'OMS, lors des campagnes, l’agence onusienne appuie l'élaboration des supports techniques pour la formation des vaccinateurs et de leurs superviseurs, supervise la mise en œuvre des activités, mais aussi et surtout surveille les phases de préparation, de vaccination et conduit les enquêtes rapides.
En dehors de cet accompagnement apporté au ministère de la Santé, les Nations Unies contribuent au déploiement du vaccin dans le pays, à travers l’UNICEF.
Pour la Représentante de l’UNICEF, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance supervise avec l'OMS, la phase préparatoire et la phase de la vaccination, mais l'UNICEF appuie surtout le volet communicationnel, la mobilisation sociale (élaboration des messages, leur diffusion sur les chaines de radios et télévision, mais aussi l'utilisation des mobilisateurs sociaux qui ont pour rôle, de faire du « porte à porte » deux jours avant et durant toute la campagne pour assurer une communication de proximité ou une communication pour un changement de comportement avec les parents d'enfants). L’UNICEF gère les stocks de vaccins et de tous les flacons vides ou entamés en termes de statistiques (puisqu'aucun flacon ne doit être perdu).
La communication étant un volet important de la campagne de vaccination, la délégation des Nations Unies et la Direction départementale de la santé du littoral se sont rendues dans les locaux de la Radio Bénin Alafia, un partenaire des Nations Unies dans les campagnes de vaccination et de sensibilisation des populations. Radio Bénin Alafia, est une radio de service publique dédiée exclusivement aux langues nationales, 18 au total, couvrant tout le territoire national. Cette radio diffuse quotidiennement des messages de sensibilisation pour la vaccination des enfants. Elle sensibilise également contre l’infodémie, les fausses informations, afin de rassurer les populations, face à la résistance et à la réticence aux vaccins.
Article produit par François Agossou (OMS), Reine David-Gnahoui (UNICEF) et Yézaël Adoukonou (BCR)