Soutien à l'économie locale dans le Bénin de l'après-COVID: une solution numérique au service des micro-entrepreneurs et des petits exploitants agricoles
06 mai 2022
Sans accès à un compte bancaire, monter une affaire est une tâche ardue
Anne Owa est une vendeuse de nourriture bien connue des habitants de Boukoumbé, une localité du nord-ouest du Bénin. Elle ne dispose pas de compte bancaire et ne parvient pas à faire des économies sur ses revenus : son mari lui vole régulièrement l’argent qu’elle cache sous un lit ou dans ses pagnes.
"Mon mari sait où je cache mon argent. Il m’en emprunte régulièrement et ne me rembourse jamais. Mes enfants me volent eux aussi. Avec la formation que je viens de suivre sur la gestion financière et l’épargne, je vais pouvoir mettre mon argent sur Mobile Money et j’aurai la paix", explique-t-elle, l’air soulagé et déterminé.
Le service Mobile Money dont parle Anne a été développé par des entreprises de téléphonie mobile habilitées à distribuer de la monnaie électronique au Bénin. Il permet de payer des factures, de déposer ou retirer de l’argent et d’effectuer des virements facilement et en toute sécurité, le tout à l’aide d’un téléphone portable.
Comme Anne, beaucoup de femmes et de jeunes au Bénin ont monté une petite affaire ou exploitent un petit terrain agricole pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille, mais ne disposent pas d’un compte bancaire pour investir et développer leur activité grâce à la réalisation de virements, à la contraction de prêts ou à la gestion de leur épargne.
La situation économique de ces personnes déjà vulnérables s’est encore aggravée avec la crise de la COVID-19, qui les a poussées à stopper leur activité, révélant la nécessité pour les pouvoirs publics d’investir urgemment dans des programmes locaux de renforcement de la résilience moyennant des solutions numériques, qui sont apparues comme un outil efficace pour assurer la continuité des activités productives et commerciales de ces populations.
Mieux armés pour se relever de la crise de la COVID-19 : un projet pour accroître la résilience des plus vulnérables
C’est dans ce contexte que l’ONU a financé un projet destiné à former pendant un an des milliers de micros/petits entrepreneurs et de petits exploitants agricoles à l’utilisation de solutions numériques, à la création d’entreprise et à la gestion financière, dans l’optique de les aider à développer leur affaire, à continuer à générer des bénéfices et à préserver les emplois qu’ils ont créés.
Les formations assurées dans ce cadre se déroulent dans dix localités béninoises frontalières à fort potentiel : Nikki, Kalalé, Boukoumbé, Glazoué, Avrankou, Aplahoué, Grand Popo, Zagnanado, Bassila et Kétou.
Des solutions numériques qui changent le quotidien
Des gestes aussi courants que celui qui consiste à retirer des billets dans un distributeur automatique ou à faire un virement au guichet d’une banque ne sont pas une évidence pour les personnes démunies, qui ne peuvent pas engager de frais pour ouvrir un compte bancaire, n’ont pas toujours accès à un moyen de transport abordable pour se rendre à la banque, ou ont des contraintes qui réduisent le temps dont elles disposent pour faire les démarches nécessaires.
Aujourd’hui, Sossavi Kodjo, un cultivateur de Grand-Popo, une commune du sud du Bénin, est très content de pouvoir utiliser le service Mobile Money pour contourner ces difficultés :
"J’utilise Mobile Money pour envoyer de l’argent à mes enfants à Cotonou. Cela m’évite de faire le déplacement. J’économise en temps et argent".
Dans la même commune, Denise Mensah, une vendeuse de noix de palme et d’huile de palme, n’a plus à se faire de soucis. Après chaque journée de travail, elle dépose sa recette sur son compte Mobile Money et retire de l’argent en cas de besoin, via son téléphone portable, une nouvelle habitude qui lui était jusqu’ici complètement étrangère.
Sécurisation des outils numériques : l’autre facteur de succès des stratégies de relèvement post-COVID-19
Mais le recours à un service numérique pour la gestion de ses comptes, de sa trésorerie et de ses transactions financières est une solution qui ne va pas de soi. Lorsqu’on est un petit exploitant agricole pour qui chaque fruit ou légume récolté compte, ou un micro-entrepreneur sans expérience qui doit surmonter une multitude d’obstacles pour développer l'entreprise dont il dépend pour survivre, on fait nécessairement très attention à préserver le capital qu’on a construit.
C’est cette vulnérabilité qui explique en partie la réticence de certains petits producteurs et commerçants à se servir des outils numériques dans le cadre de leur activité. Méconnaissance du mécanisme de réalisation des transactions à l’aide d’un téléphone portable, fausses informations générant la crainte de voir ses fonds se volatiliser en cas de perte de son téléphone, ou encore crainte des conséquences potentielles d’un vol de code personnel : voilà autant de sources d’inquiétude qui freinent l’adoption de solutions numériques de soutien au développement dans certaines localités du Bénin.
C’est la raison pour laquelle les formations dispensées dans le cadre du projet de l’ONU mettent autant l’accent sur le numérique - à travers le service Mobile Money - parallèlement aux cours sur l’entreprenariat et la gestion financière.
Les personnels qui assurent ces formations observent d’ailleurs, pour leur plus grande satisfaction, qu’à chaque fois qu’ils apportent des réponses aux questions que leur posent les participants sur la sécurité du service Mobile Money, ceux-ci font preuve d’un enthousiasme immédiat car ils comprennent vite que ce service va leur permettre au contraire de protéger leurs avoirs et d’en optimiser la gestion.
"Je ne savais pas que mon portable pouvait améliorer mes activités économiques et me permettre de mieux gérer mes revenus", s’est réjouie une participante à l’issue d’une formation organisée à Boukoumbé.
Dans toutes les communes où se déroulent ces formations, l’engouement pour l’acquisition de nouvelles compétences entrepreneuriales, financières et numériques est palpable. Et pour cause : les participants savent que ces compétences vont leur permettre de regagner confiance en l’avenir et en leur capacité à devenir ou à redevenir financièrement indépendants.